Palais des Nations – Salle 27
13 septembre 2016
Présentation de Dr Violette Daguerre
Présidente de la Commission Arabe des Droits
Humains
Mesdames et Messieurs bonjour
Merci d’avoir pris la peine de vous déplacer
jusqu’ici
Vous n’êtes sûrement pas sans ignorer ce qui se
passe dans le monde arabe et le grand
chamboulement opéré en vue de transformer la
configuration actuelle de ses Etats et leur
découpage en fonction des desseins des
puissances politiques et économiques qui
régissent notre monde d’aujourd’hui.
Des guerres de toutes sortes, menées pour une
raison ou une autre, et notamment depuis cinq
ans sous couvert d’institution de la démocratie
et des droits de l’homme, prennent des allures
d’extermination, avec des agressions multiformes
et leurs lots d’horreurs, de souffrances et de
destructions, jetant sur les routes des
centaines de millions de personnes pensant
pouvoir se sauver ainsi la vie.
Or, rien que la mer Méditerranée a vu la
disparition de milliers de personnes de ceux
ayant fui les combats dans leurs pays, dont des
enfants qui ont péri dans des conditions atroces
et dont les photos marqueront à jamais le visage
de l’humanité. Une dizaine de milliers d’autres
enfants non accompagnés ceux-là, ont selon des
données récentes d'Europol, disparu après leur
arrivée en Europe. Que sont devenus et comment
peut-on les retrouver ? Question posée il y a
quelques mois dans l’enceinte du Palais des
Nations Unies durant les travaux du Conseil des
droits de l’homme et pour laquelle je n’ai eu
droit à aucune réponse ou quelconque retour.
Mon pays d’origine le Liban a vu ces dernières
années l’arrivée massive sur son sol de
réfugiés, notamment syriens, et a dû héberger
pas loin de 2 millions de personnes, et ce pour
une population estimée à un peu plus que le
double. Seulement, les promesses d’aides à
allouer n’ont pas été honorées pour un pays qui
connait une grave crise économique et politique
sans oublier l’autre sécuritaire.
Ce pays là est vraisemblablement le seul à
n’avoir pas isolé ces nouveaux refugiés dans des
camps, et qui a su, malgré ses moyens
économiques très limités, réussir le
développement du modèle inclusif, alors qu’on a
vu certains bien plus puissants économiquement
fermer carrément leurs portes et entendu
d’autres pousser de cris hystériques pour un
nombre de réfugiés beaucoup moins important.
Le Liban accueille plus d’un demi–million
d’enfants en âge de scolarités, mais dont moins
de la moitié se trouvent, faute de moyens,
scolarisés. Nombreux sont ceux parmi eux qui
cherchent à nourrir leurs familles par le
travail mené presque clandestinement et dans des
conditions qui compromettent leur santé, voire
leur vie. Là on ne peut pas échapper à
l’interrogation sur le dessein voulu pour ces
nouvelles générations dont la vie et l’avenir
n’intéressent en aucune manière ceux qui
gouvernent ce monde.
A ceux-là ne pourrions-nous poser la question du
comment, si ce n’est pas du pourquoi, faire pour
maintenir les déplacés dans leurs régions, ou
comment faciliter le retour de ces réfugiés dans
leurs pays plutôt que de parler de leur
installation dans les pays d’accueil, au risque
d’aggraver leurs problèmes et ceux de leurs pays
d’origine comme d’accueil ?
Comme d’habitude et à chaque fois qu’il y a
grandes crises et que les gouvernements se
montrent défaillants, c’est la société civile
qui prend le relai autant que faire se peut. Et
paradoxalement dans ces situations on fait
appel, ou pour le moins, on tolère ces ONG,
alors que ce ne sont pas des structures de toute
puissance. C’est plutôt au prix d’une grande
abnégation et de don de soi, de vie privée et
familiale malmenées et de ressources bien
limitées que leur personnel et leurs bénévoles
oeuvrent pour le bien de ce monde et pour les
valeurs auxquelles ils continuent malgré tout à
croire.et à se donner.
L’association Amel est dans ce sens un modèle
bien parlant. C’est une association pionnière
dans son genre dans la construction de la paix
sociale. Ceci se fait à travers les soins de
santé qu’elle abdique, et les services médicaux,
le soutien psychologique, social et culturel
qu’elle offre aux laissés pour compte libanais
et aux marginalisés des pays alentours
accueillis sur le sol libanais, indépendamment
de leur appartenance religieuse, politique ou
ethnique. Pour tout cela et pour son engagement
citoyen et la préservation de la dignité
humaine, l’association internationale Amel reste
un modèle de solidarité et de changement.
C’est depuis 37 ans que cette association, avec
à sa tête Dr Kamel Mohanna, et ses 800 employés
avec une dizaine de bénévoles libanais et de
différentes nationalités européennes, ses 24
centres de santé et ses 8 cliniques mobiles,
tout comme ses autres structures, œuvre pour
fournir jusqu’à présent pas moins de 8 millions
services de qualité aux marginalisés libanais et
1 million et demi rien que durant les 3
dernières années pour des déplacés syriens.
Services médicaux, d’éducation, de formation
professionnelle, de développement économique,
d’assistance à personnes âgées, d’autonomisation
de femmes et enfants, de promotion des droits de
l’homme et j’en passe.
Bref, Amel distribue l’amour partout où elle
passe, en se décentrant de soi, en s’identifiant
à l’autre qui sollicite son aide et en soignant
ses maux et mettant du baume sur ses blessures.
Ainsi, elle restaure quelque part cette
conscience collective souffrante et abimée par
tant d’horreurs et de détresses.
Pour tout cela et pour bien d’autres aspects pas
tous évoqués dans ce petit laps de temps volé au
temps ici que l’Association Amel mérite la
présentation de son dossier pour le prix Nobel
2016. Nous y avions cru à la Commission Arabe
des Droits Humains et avions été parmi les
premiers à mobiliser nos efforts pour la
soutenir dans cette démarche. Soyez avec nous,
avec elle, pour la concrétisation de cet
objectif et mobilisons-nous tous ensemble dans
ce mouvement qui scelle un avenir plus brillant
pour notre devenir dans cette région du monde et
dans ce Liban bien beau mais bien malmené par
les aléas de l’histoire, surtout la récente.
Nous sommes bien convaincus que ces populations
pourchassées par les malheurs qui s’abattent
sans cesse sur eux ont besoin d’espérer et de
croire à un possible changement de leur
quotidien. La réalisation de la vraie justice,
la réelle paix et non celles des discours de
ceux qui entravent la marche de l’humanité vers
l’établissement d’une véritable et solide
progression. Pour ces nobles et justes visées
vers un monde meilleur, des actions audacieuses
et prometteuses doivent être mises en place sans
tarder. Parfois, il suffit de reprendre
confiance en soi et vaincre ses angoisses et ses
peurs de l’autre qui n’est que son autre
facette. Il n’y a pas finalement que les damnés
de la terre qui connaissent peurs, humiliations
et souffrances et qui rêvent de connaître joies,
bonheur et réussite.
Aidons alors ceux qui dirigent ce monde et qui
ont eux aussi et peut-être surtout des
difficultés à maîtriser le cours des événements.
Aidons-les à réussir leur mission car, à travers
le sort qui nous est réservé, il s’agit du sort
de toute l’humanité disputé sur notre terre. Or,
le monde leur échappe comme on le constate si
souvent, car la logique qui régit le mouvement
de l’histoire est loin de se résumer à des
connaissances techniques. Et pendant ce temps
ceux qui souffrent attendent que leurs maux et
souffrances soient soulagés, que leurs besoins
soient prix au sérieux. Il s’agit après tout de
l’équilibre de la planète et non seulement des
désirs des uns et des autres.
Dans ce monde qui marche sur sa tête, nous avons
besoin de modèle de solidarité et d’engagement
pour l’humain. Il faut se convaincre qu’on peut
changer le cours de choses et même de l’histoire
par la force de nos convictions et de notre
persévérance, comme l’ont fait parfois des
personnes solitaires et des individus qui ont
marqué de leur empreinte indélébile et de
manière positive l’histoire humaine.
Le salut est à notre portée, il nous revient de
droit. Aidez-nous, aidez-vous à y accéder sans
palliatifs et vaines promesses. Réunissons nos
forces pour un monde meilleur avec ceux qui
croient en l’humain en chacun de nous. Nous
devrions y arriver pour le bien de tous, pour la
paix sociale et le bonheur sur terre, loin des
guerres et du terrorisme sous toutes ses formes.
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